18 décembre 2008

Démocratie écorchée

La France d'aujourd'hui n'est pas une dictature.
Cette assertion, on peut la lire souvent en réponse à tel ou tel commentaire d'un billet relatant un nième recul de l'état de droit ou des libertés individuelles, d'une nième manipulation de l'opinion (inutile de détailler je pense, citons juste dernièrement et en vrac les terroristes de Tarnac, les chiens dans les écoles et collèges du Gers, le démantèlement de l'INSEE, l'arrestation de De Filipis, ... [liste non exhaustive]).



Accessoirement, le commentaire qui a motivé ce billet (le premier depuis plus de quatre mois !) est celui de Thierry Reboud sur un billet de Rue89 d'un photographe de l'AFP qui raconte comment des policiers lui arrachent son appareil photo et en effacent le contenu, alors qu'il couvrait une manif de lycéens à Lyon.
Des riverains (arretssurimage.net a ses asinautes, marianne.fr ses mariannautes, rue89 a ses riverains) s'en émeuvent et parlent de dictature, et Thierry Reboud s'en offusque sur le mode sarcastique.

Or, il a raison, la France n'est pas une dictature.
C'est une démocratie qu'on écorche.
Et une démocratie qu'on écorche, ça hurle.


Mais qu'aura-t-il fallu pour qu'on entende ses hurlements ?
Peut-être qu'un journaliste se fasse réveiller au petit matin, insulté devant ses enfants et traîné en garde à vue dans une affaire de diffamation, en tant que responsable de publication.
Peut-être une accusation de terrorisme aussi tonitruante qu'intempestive, immédiatement relayé par ce journal même où officiait le journaliste ci-dessus, qui le regretta sincèrement.
Peut-être parmi les commentaires qui ont suivi l'arrestation, le témoignage d'une collégienne du Gers traumatisée par une descente de flics avec chiens, en pleine classe et à l'insu du professeur (très beau texte à ce sujet, ici).

Et les médias (traditionnels) de commencer à se poser des questions, à émettre des doutes, à s'interroger sur la Grandeur Majestueuse du Chef et Son action, voire sur la façon dont Il use de sa fonction dans une démocratie.

Or ce pouvoir omnipotent et omniscient, cette machine à gagner, n'avait pas prévu qu'une fronde puissent venir de là, de ses médias chéris. Il n'avait pas imaginé qu'internet et ses non-journalistes, ses anonymes, ses passants, ses vrais journalistes, puisse avoir le moindre impact sur l'opinion, que des lycéens - des français qui ne votent pas - puissent aussi avoir des convictions et les exprimer avec force.


Tant qu'on l'entendra hurler, on pourra se féliciter d'être encore dans une démocratie.

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